Je revois ma mère et ses cheveux bruns, courts et savamment hirsutes, qui faisaient comme un casque autour de son visage. Je revois sa beauté distante, distinguée, un peu froide et un peu dure et ses yeux clairs cerclés d’or.
Sérieuse.
Calme.
Je revois ma mère.
Assise à son bureau, toujours, quand je rentrais de l’école.
A son bureau, sérieuse, taiseuse, qui corrigeait ses copies.
Calme.
Rien à dire.
Et puis un jour, parmi les vinyles qui – grâce à elle – habitaient notre quotidien, je découvre un visage, familier, intime presque. Des cheveux bruns, courts et savamment hirsutes, qui faisaient comme un casque autour de son visage.
Une beauté distante, distinguée, un peu froide et un peu dure et des yeux sombres cerclés de noir.
Un air sérieux.
Calme.
Et on aurait dit ma mère.
On aurait dit ma mère mais pas tout à fait.
On aurait dit ma mère si elle n’avait pas été prof de maths.
On aurait dit ma mère alors que, c’est certain, elle n’écoutait que Schubert ou Vivaldi…
On aurait dit ma mère si elle avait su nous regarder en face et soutenir notre regard.
On aurait dit ma mère si elle avait bien voulu trop maquiller ses yeux.
On aurait dit ma mère si elle avait gardé à la bouche les clopes qu’elle crapotait en cachette.
On aurait dit ma mère et je suis tombée amoureuse.
De cet air distingué mais crasse,
De cet air de « Rien à foutre »
Et j’ai découvert un monde caché que je ne soupçonnais pas.
Le château secret de ma mère.
Son côté punk.
Là elle aurait pu me dire :
« Ma chérie,
Quand mon cœur devient lourd,
J’ai besoin de regarder voler les oiseaux.
Et mon regard se dirige vers le ciel,
Et ça peut faire mal à l’âme aussi, tellement c’est beau !
Le soir, la ville est silencieuse,
L’âme est tourmentée et les larmes coulent à flot…
Tout ça est épuisant !
Et souvent il m’arrive de ne rien faire d’autre que pleurer…
Aaaah… aaaah… »
Laure Slabiak