Kings of Convienence
Kings of Convenience
Pascal Blua
Montreal, hiver 2000.
J’ai scrupuleusement noté, sur mon petit carnet, les adresses des nombreux disquaires de la ville que je souhaite visiter ; notamment le célèbre « La Fin du Vinyle » dont le nom m’intrigue beaucoup ! De mes précédents voyages au Canada, j’ai ramené des valises pleines de vinyles. J’ai découvert là-bas les disquaires sur plusieurs étages, les hangars de disques d’occasion, les kilomètres de rayons où le vinyle est roi. J’y passe des heures, pour ne pas dire mes journées. J’avance méthodiquement de bac en bac, d’allée en allée et la pile de vinyles que je transporte avec moi est un mille feuilles de tentations. Je sais bien qu’il faudra compter et trier avant de quitter le magasin mais pour le moment, je les garde avec moi comme un trésor.
On trouve aussi parfois chez certains disquaires quelques bacs de CDs d’occasion, souvent dans des recoins, comme bannis et exilés du lieu. Je les feuillette souvent machinalement, un peu distraitement, sans doute pour me persuader que j’ai fait le tour complet du magasin… Cependant, je me souviens parfaitement m’être arrêté sur la pochette de l’album « Kings of Convenience ». La fraîcheur et la simplicité du visuel m’ont immédiatement séduit. Je ne connaissais pas le groupe, ni le label et j’ai acheté ce CD sur un coup de cœur.
Dès lors, ces dix chansons n’ont cessé d’accompagner mes balades, au rythme cotonneux des pas sur la neige, comme la bande son parfaite de cet hiver canadien. De retour à Paris, je découvre avec surprise dans la revue Magic un CD promotionnel des Kings of Convenience (le bien nommé « Magic in The Air »). Les flocons sur la pochette font déjà résonner en moi l’écho nostalgique de mon séjour. Il n’est pas de hasard, il est des rendez-vous.
Depuis ce voyage, ce disque acquis uniquement sur la foi de sa pochette ne m’a jamais quitté. Il n’est jamais très loin et je me plais à savoir qu’il me suffit de le jouer pour ressentir cette complicité qui nous unit, je crois pouvoir le dire, pour toujours. L’illustration de la pochette représente les visages d’Erlend et d’Eirik qui composent le duo. La justesse parfaite de cette illustration et le parti pris monochrome de la pochette reflète parfaitement la musique des Kings of Convenience : délicate et ciselée (comme le trait), pleine d’espaces et d’harmonies, entre ombres et lumières.
Je continue de considérer « Kings of Convenience » comme la matrice originelle de l’album « Quiet Is the New Loud » qui paraîtra quelques mois plus tard. Les chansons présentes sur cette première version sont assez proches de celles du futur album. J’y ressens pourtant une différence : la fraîcheur, la clarté, la grâce du premier enregistrement, celui dont on ne retrouve parfois jamais la magie…
Ce n’est que quelques années plus tard que je conjuguerai ma passion pour la musique indépendante à mon métier de graphiste. Et c’est sans aucun doute le souvenir qui me lie à l’album « Kings of Convenience », qui fait naître en moi, à chaque nouvelle pochette, l’éternel challenge de trouver l’image juste. La pochette, idéalement unique, qui saura vous séduire du premier coup d’oeil, traduire visuellement l’univers musical et transmettre les émotions que vous procureront les chansons.
Pascal BLUA est directeur artistique et graphiste indépendant. Il réalise des pochettes de disques, des affiches ou des sérigraphies pour des artistes de la scène musicale indépendante française et internationale. Il est co-fondateur du label franco-anglais Violette Records.