Sex Pistols
Never Mind The Bollocks
Anne Brembley
J’ai 35 ans quand je vois cette pochette pour la première fois.
J’ai bien dû la croiser quelque part, mais pas avant mes 20 ans, à Versailles, peut-être en passant devant le seul magasin à vendre ce genre de disques, qui faisait 5m2, coincé entre la permanence du Renouveau Charismatique et Godiva, rue de la Paroisse.
J’ai pas de grand frère, et mes parents n’écoutent que du Wagner. Cela aurait donc relevé du pur miracle que cette pochette entre dans mon monde d’ados à particules. Quand je la vois pour la première fois, je suis sur le dos, avec un mec marié.
Je ne sais pas si Sid Vicious est la réincarnation de Cupidon, mais le coup de bite se transforme en coup de foudre. Quelques nuits plus tard, cette pochette je la connaissais par cœur. Je me disais que le type qui l’avait faite avait tout compris : Quand tu vois la gueule du groupe, il a dû se dire qu’une pochette typo c’était moins effrayant…
… Bollocks. Oui, il en fallait des couilles pour se lancer dans cette vie, qui très vite est devenue une fosse à Pogo.
Dès le début, sa belle bande de copains qui se revendiquaient keupons, rois du déglingue, n’ont pas supporté. Ben oui, on garde ses ornières, sa femme, son 3 pièces, ses dîners du samedi soir, et parfois on se fait peur en allant voir un concert, comme avant, en ressortant ses docks du placard.
Ensuite, tous les Brushing de la Côte de Granit Rose ont virés à l’Iroquoise devant le divorce annoncé : Anarchy in the 29.
Sa fille, ado, voulait me déglinguer les dents à coups de Rangos, et 80% des gonzesses primipares avaient envie de me Fracasser leur verre de Prosceco dans la gueule.
Avec 5 enfants à deux au compteur, un sixième ensuite, 2 chats, un lapin et un jour une corneille vivante, notre wagon de TGV ressemblait à un soir d’émeute façon concert des Pistols au Ivanhoe’s Nightclub de Huddersfield un après-midi de Noël 77.
Pas si NO FUTURE que ça, finalement, l’histoire. 15 ans plus tard, j’ai toujours cette pochette sous les yeux, elle trône en poster au milieu de notre salon en Bretagne et notre vie est devenue une salle de bal.
Les anciens copains, il leur a dit d’aller se faire enculer, « Love First ». Les brushings de la Côte de Granit Rose ont retrouvé leur bombe Elnette, sa fille a rangé ses Rangos, les primipares sont devenues monoparentales, se tapent des mecs mariés, et les voyageurs de la SNCF soufflent depuis qu’on a acheté une bagnole.
Alors merci les Sex Pistols, vous avez vraiment une sale gueule, mais je vous embrasserais bien rien que pour vous remercier d’avoir planter une fléchette de Kro dans nos coeurs.
Anne Brambley vit en Bretagne