Alice Cooper
School's Out
par François "Otto" Quéméré
En septembre 1972, je rentrais en 5ème au collège du lycée Buffon. Un grand machin vieillot et austère. Le monde extérieur n’était visible que des fenêtres des salles de classe, à travers des barreaux. Mixte depuis un an, nous étions trente garçons pour une fille. C’était une fille d’officier avec une coupe à la Mireille Mathieu et des lunettes en cul de bouteille. On avait 12 ans et ça commençait à nous titiller grave, les filles. Mais celle-là, non. Du coup, on n’y connaissait rien, en filles. On regardait comment c’était fait dans « Lui ».
Playboy France ne paraissait pas encore, Penthouse non plus et les vendus sous le manteau, on ne savait même pas que ça existait. Comme le libraire ne vendait pas « Lui » à des gamins, il fallait trouver un grand frère pour l’acheter. On lui donnait l’argent et lui, au passage, prenait son jeton avant de nous refiler le magazine.
1972, libération sexuelle, mon cul.
Et même dans « Lui », on ne voyait pas tout. Ça donnait dans « la photo de charme », pas encore dans la leçon d’anatomie poussée, l’étal de viande ou la vision endoscopique des années 80. On était dans le clair–obscur, le cache-cache, les voiles, les contre-jours, les filtres Hamiltoniens, les sous-entendus. On voyait pas mal de seins, un peu de fesses et c’est à peu près tout. Il n’y a que sur les dessins d’Aslan qu’on voyait… des poils ! à l’époque, on n’avait pas encore inventé la chimio de la chatte, les filles avaient des poils. En tous cas sur les dessins. Mais sur les photos, c’était toujours caché. Par une jambe, une main, une ombre. Ou alors les filles portaient un short ou un collant. Un de ces immondes collants. Y’en avait même avec des rayures arcs-en-ciel, affreux. Elles portaient aussi des culottes. Toutes sortes de culottes. Des grandes, des petites, des noires, des blanches, en couleur, en dentelles… Alors on fantasmait aussi sur les culottes.
Mon copain, en 5ème, c’était Rosenthal. Son père, si j’ai bien compris, travaillait dans le « Showbiz ». Du coup Rosenthal était à la pointe de la mode musicale et vestimentaire. Un jour, il s’est pointé avec un jean pat d’eph à rayures multicolores, on n’avait jamais vu ça. Il nous a expliqué que c’était le même que Mick Jagger. Ou George Harrison, je ne sais plus. Rosenthal ramenait toutes les nouveautés musicales du moment. Il me les prêtait et je les enregistrais sur mon magneto à cassettes que j’avais eu pour Noël. Grâce à lui, j’ai découvert Deep Purple, Slade, David Bowie, Led Zeppelin….
Et puis il y a eu « School’s out ». Je n’avais pas imaginé qu’on pouvait faire ça : La copie d’un pupitre d’écolier, comme un vrai, en volume qui se déplie et tout et tout. Et mon copain me dit, en mode confidence :
– En plus, le disque est dans une petite culotte, mais je l’ai laissée chez moi, tu comprends…
– Nooon ? Une petite culotte ? Une vraie ?
– Ben ouais.
En fait, la petite culotte, comme je l’appris plus tard, n’était qu’imprimée sur la pochette… Aujourd’hui sur internet, l’album est coté 170 euros et la culotte en papier a jauni. Ce n’est plus un fantasme de préado, c’est devenu un truc de vieux pervers. Mais quand même, 170 euros, ça reste culotté.
François “Otto” Quéméré