U2

War

Benjamin Brehon

Ah ouais, ça pète, hein ? Moi c’est dingue, à chaque fois que je vois cette pochette, ça me rappelle plein de trucs. Ça me rappelle surtout à quel point j’aime pas U2.

Regardez-le, ce gosse, là, sur la pochette, l’air vénère, la lèvre fendue, début de cerne sous l’œil, dos au mur, mains derrière la tête, à se demander ce qu’il va bien pouvoir faire comme conneries… Baston au lance-pierres, squat dans l’école abandonnée, premières bières tièdes et cigarettes piquées dans le paquet de maman, à la scred, derrière le square qui pue le chien ? Ou alors grosse engueulade parce que précisément c’est ce qu’il vient de faire ?

En tout cas t’as raison, mon grand, t’as raison de t’inquiéter… Quand t’as signé pour ça, en 1983, parce que ton oncle était un copain du groupe, t’as pas signé pour ce que c’est devenu. T’avais dix ans, comme moi d’ailleurs au même moment, et t’étais un peu jeune pour tout ça, mais ça a été la grosse révolution.

T’es devenu en quelques mois un symbole mondial, mec, t’es devenu le rock’n’roll ! La batterie qui claque, la guitare de ouf, les rythmes martiaux de la basse ! Tu croyais que ça allait durer, hein ? T’avais pas prévu que leur succès, TON succès, allait leur autoriser dans la foulée 40 ans de grandiloquence empruntée, de titres surproduits et de branling boursouflé. Il manque plus qu’une reprise avec un orchestre symphonique sucrasse et on aura fait le tour… “Bono meets André Rieu”, s’ils t’appellent pour la pochette t’auras bien le droit de la faire, la gueule, tiens.

Mais ce jour-là, il y a 40 ans, pas de violons, t’es devenu un symbole de la rébellion, mec ! Putain le Bono il était remonté, ça allait dénoncer des injustices, là ! Faut pas croire qu’il s’est calmé, d’ailleurs, encore aujourd’hui il dénonce grave en descendant de son jet privé, faut pas le chercher, sinon il va tout défoncer au Hilton.

Et puis il y avait Bloody Sunday, l’hymne, avec un H majuscule. L’ode à l’Irlande martyre, le poing levé face à l’occupant. Ça, en Ecosse, ou chez moi en Bretagne, ça parlait ! Mais alors qu’est-ce qu’il s’est passé, à quel moment ils ont baissé le drapeau ? Tes potes, ils étaient l’Interceltique à eux tout seuls, comment ils en sont arrivés à devenir des représentants Optic 2000 dans les stades, deux verres fumés pour le prix d’un… Putain, tu m’étonnes que t’avais des cernes si t’avais vu le coup venir, ça devait être lourd à porter au moment de s’endormir…

Et puis bon, mon grand, t’as été un des principaux objets marketing des années 80. Ta tronche, là, tout seul sur tellement de murs de chambres d’ados, la rébellion à 15 balles le poster, comme les mecs avec leurs t-shirts du Che

Putain, quand je te vois, à chaque fois, ça me rappelle plein de trucs. Ça me rappelle surtout à quel point j’aime pas U2. Et souvent, j’en viens à penser que finalement, peut-être, toi non plus.

Allez viens, on va boire une bière tiède !

 

Benjamin Brehon

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Benjamin Brehon est journaliste et de mauvaise foi.

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