Skip to content

Michel Sardou

La Maladie d'Amour

Alain Terzian

Play Video

 

Au milieu des bouses, il y a parfois une pépite. Passons sur la pochette totalement à chier montrant le chanteur avalant presque son micro cornet de glace. À moins d’être une minette prépubère, pas de quoi frissonner un poil.

Sortie en 73, conconctée par Devaux et Delanoë pour le Sardou dont je vomissais la variétoche et les idées populos bien à droite, voire un peu plus loin, c’est donc cette machine à tubes, qui allait me réserver une surprise.

Mais 4 ans plus tard…

Au printemps 77, on essaie comme beaucoup de monter un groupe rock. Pour se faire la main, on écorche les Stones, Bowie, ou la nouvelle génération française comme Bijou et Starshooter. Jusqu’à ce que le plus dingue d’entre nous déboule avec l’album de Sardou.

Merde ! c’est quoi l’engatse ? « Y’a du rock là-dedans, les gars ! Jamais repris par aucun groupe, et on va être à jamais les premiers ! » Phrase marseillaise qui aura de l’avenir…. Du Rock ? Sardou ? Il enchaîne : « … des paroles comme des rafales de mitraillette. Et les arrangements, je vous dit pas… ».

Et, il ne dit plus rien…

Faut reconnaitre, ça commence très fort, avec ce rif de guitare bien rock appuyé par une ligne de basse sombre, impeccable. Tranquille,  Sardou entame alors son chant : « Dans les villes de grande solitude… ». Putain ! bien sûr qu’on la connaissait celle-là, comment l’éviter, entre Marithie et Gilbert Carpentier et la radio qui ne s’est pas encore émancipée ?

Et soudain au loin, l’armée de violons cadencés commence à se lever, avant de balancer ses walkiries. Du pur son de Detroit qui nous met sur le cul, ne nous laissant aucune autre alternative que d’écouter vraiment les paroles

Il faut se laisser emporter par le morceau qui raconte la vie d’un minable se rêvant surpuissant « dès que l’alcool fait son effet ». Les paroles ne font pas dans la dentelle. À l’époque, une polémique pour incitation à la violence avait éclaté. Pourtant « c’est vrai que je ne casse rien », fait s’excuser le chanteur à son personnage. Insuffisant pour ne pas être blacklister des chaînes radio et télé.

Nous, dès la troisième écoute, on est conquis. C’est du Sam Pekinpah, du « Au dessus du volcan », du Blier dans Les Valseuses, du pur punk, et personne en France n’avait plus osé chanter ça.

Pour l’orchestration et les arrangements, ils avaient fait venir les requins de studio : l’indéboulonnable Pierre Billon, et Christian Padovan des Martin Circus. Rien à envier aux studios d’outre Atlantique. Ils avaient un sacré bon morceau, et ils allaient lui mettre sa race. Métronomiques, carrés, à la ricaine…Rien que la piste des violons est un grand moment. Ça ne quitte jamais le titre, comme une sirène de police permanente et mélodieuse, accompagnant la voix dans les hauteurs, s’adoucissant dans le retour à la réalité du personnage pour l’encourager bien sagement à ne pas s’éloigner de son métro, de son boulot et de son dodo. Bien proprement, jusqu’à sa retraite. 

Cette revendication me captive. Les Villes de Solitude touche à l’interdit, on parle avec une lucidité éblouissante de ces salarymen que nous deviendrions, pétris de frustrations entre nos libertés qui s’émousseront et la tonne de nos crédits à la consommation. Une cocotte-minute qui pourrait exploser. C’est d’une limpidité absolue, mais à l’époque personne ne veut percevoir cette dimension prémonitoire.

L’été venant, le groupe tournera court, sur les chemins des séparations.
Le reste de l’album de Sardou est parti dans la poubelle de nos mémoires. Pourtant aujourd’hui, j’entonne encore ces Villes de Solitude. J’attends avec impatience sa reprise par un de ces groupes qui recommencent à se chauffer au vrai rock, et qui oseront.

Quant à Sardou, qu’il me pardonne d’être, dans ces années-là, passé à côté de pas mal de ses morceaux.

Car franchement, y’a beaucoup de merdes, mais pas que.

 

Alain Terzian est concepteur rédacteur. Il partage partis pris et sentiments éclectiques sur @auteursetsentiments.

Ouvrir le chat
1
Contacter Écoutons nos pochettes
Bienvenue sur le Chat de Écoutons nos pochettes.
Merci de laisser votre message, je vous réponds dans les plus brefs délais.
Gilles de Kerdrel