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Stephan Eicher

Les Chansons Bleues

Lisa Balavoine

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Ce n’est pas le premier disque que j’écoute chez lui, mais ceux d’avant je n’y ai pas vraiment prêté attention, parce que je ne regarde que lui, parce que je n’écoute que lui, parce que j’ai le cerveau entièrement occupé par ce garçon que je viens de rencontrer comme on rencontre une météorite, un big bang, du genre dont on ne se remet pas.

J’ai traversé la France dans un train interdit, puisqu’à ce moment-là on n’a pas le droit de s’éloigner de plus de cent kilomètres de son domicile, mais j’en ai tellement rien à faire de ce qui est autorisé ou non, il fallait que je le voie, il fallait que je le voie, il fallait au moins ça.

Et donc il y a un matin après plusieurs nuits, un matin où il me demande si je connais ce disque et moi qui réponds non je ne le connais pas, je me sens toujours un peu conne dans ces cas-là. Il me dit que ce n’est pas possible de ne jamais avoir écouté un disque pareil et il le pose sur la platine en me tendant la pochette.

C’est comme ça que je découvre Les chansons bleues, neuf chansons que je n’ai jamais entendues et pourtant c’est comme si je les connaissais, mais peut-être est-ce parce que je connais désormais la peau de ce garçon, les intonations de sa voix au réveil, les mots qu’il glisse à mon oreille, les mains qu’il passe dans mes cheveux, alors oui, je connais ces chansons que je n’ai jamais entendues, je les connais comme cet amour que je n’ai pas encore connu et que je n’ai pas besoin de connaître pour savoir qu’il est parfait.

Il y a la voix du chanteur qui dit des choses comme mais qu’est-ce que tu fais encore dans mes rêves, et c’est exactement ce que j’aimerais dire au rêve qui me fait écouter ce disque dans un salon ensoleillé vers onze heures du matin, ce rêve dont je porte le tee-shirt, ce rêve qui me tend une tasse de café. Il y a cette voix qui dit je veux toujours l’amour, je veux l’amour toujours, sans bien se rendre compte qu’il ne faut pas dire ça à une fille qui vient de rencontrer un garçon et qui se dit que ce serait bien que ça dure un peu cette histoire, peut-être même longtemps pourquoi pas.

Je regarde la pochette, ça fait comme un feu d’artifice qui court sur le dos d’un homme, une main glissée sur une nuque, et c’est justement ce qui se passe, une explosion fleurie, pour pas dire plus parce que le reste nous regarde, mais c’est une pochette pleine de jouissance, c’est une extase bleue.

Je reconnais dans le dernier morceau un emprunt à Louise Labé, un poème que je connais par cœur, « je vis je meurs je me brûle et me noie », quelque chose était écrit là, il y a des rencontres qui ne s’inventent pas. Les chansons passent trop vite, je les aime toutes, je demande si on peut remettre le disque, encore.

C’est un album de jeunesse, enthousiaste et fougueux, je ne sais plus quel âge j’ai, 20 ans, 45, peu importe, j’ai l’âge de tomber amoureuse, amoureuse de cet album et de celui qui me le fait écouter, un matin de mai confiné dans un salon à des centaines de kilomètres de chez moi, à des dizaines d’années de 1983. Sweetheart i love you, i really do.

Lisa Balavoine est l’auteure de 3 romans : Eparse, Un garçon c’est presque rien  et Ceux qui s’aiment se laissent partir.

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