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Dominic Sonic

Cold Tears

par Agnès Blin

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On se dit toujours qu’on a tout le temps. Jusqu’à la prochaine fois. Jusqu’à ce jour où la mort se taille la vedette, emporte avec elle la possibilité d’une nouvelle rencontre, dans les lumières ultra-violettes d’une salle de concert surchauffée ou d’un bistrot aux vitres embuées. Poser son sac quelques heures et entrer dans la transe.

On se dit qu’on avait le temps de l’écrire cette chronique sur l’album « Cold Tears » de Dominic Sonic. Gueule d’ange du rock sous lettres rouge feu, portrait en noir et blanc d’Emmanuelle Margarita d’où se dégage une certaine mélancolie, dédicace généreuse et drôle, en français et en breton dans le texte, « Bisounec », parce qu’on avait causé de la Bretagne, évidement. Une pochette qui me transporte en 90, jusqu’à l’éclectique salle de concert de Creil qui faisait nos belles nuits. A l’époque, on ralliait tous les endroits où ça bougeait, même s’il fallait passer par des galères comme squatter un hall d’immeuble en attendant l’aube, faire du stop avec une chaussure perdue puis se fader cent dix stations de métro dans le matin blafard.

On se dit qu’on aurait dû exhumer l’interview de l’artiste, alors âgé de 25 ans, qu’on avait rencontré à Creil et qui venait de sortir en 1989 cette merveilleuse pépite « Cold Tears » sur le classieux label belge Crammed Disc. Nous, on n’avait pas connu les mythiques Kalash’ enfants de Lamballe. On découvrait cet artiste à la dégaine de dandy, classe incroyable et belle plume. Il avait pris le temps de répondre à toutes nos questions, même les plus incompréhensibles, c’est dire. C’était son premier album solo, même si en vrai, il n’était pas seul, accompagné par Vincent Sizorn, Bénédicte Villain, ou Pierre Corneau entres autres invités et amis. Un album reconnu par ses pairs, par le public, les médias de l’époque (Ah, l’époque !) et qui reste selon les « puristes » son meilleur, même s’il a sorti ensuite cinq albums et qu’il travaillait sur le prochain, qu’on avait hâte de découvrir…

On se dit qu’on a du temps, puis ça nous rattrape. Un matin comme celui-là, la triste nouvelle tombe et on a du mal à y croire. Sans doute parce que nos héros sont immortels, sans doute parce que ça nous arrange, comme ça, de ne pas penser au temps qui passe et qui ne se rattrape pas. Ah merde, je me mets à citer Barbara, il pleut sur Rennes maintenant et je voudrais pas casser l’ambiance.

On se dit qu’on aurait dû aller lui parler, ce jour de juillet où, en pleine scène « Jeunes Charrues » d’un été caniculaire, on l’avait reconnu, lui et sa silhouette à nulle autre pareille. Oui mais ce jour-là, mes sandales et moi, on n’avait pas osé faire ces quelques pas qui nous séparaient. Par crainte d’importuner, de déranger et aussi par timidité. On se dit que c’est con quand même.

Alors on relit ces quelques pages d’un fanzine tapées à la machine à écrire et on se dit que ce petit extrait résonne drôlement bien aujourd’hui : « L’Olympia, c’était bien, mais moi, j’étais pas content du tout. J’avais tellement les foies […] Je ne sais pas, c’était une histoire de magie de la salle. Les Stones, les Beatles, Jimi Hendrix, Piaf, Brel… je ne sais pas, y a des espèces de fantômes… qui sont présents et ça, ça m’a hyper impressionné. Il y a quelques salles qui me font ça, c’est rare, mais là, les premiers morceaux, j’avais la voix qui sortait pas... ».  

Sans doute qu’aujourd’hui, un nouveau fantôme viendra planer avec ses potes sur les scènes obscures, il sera habillé de noir et aura une gratte en bandoulière.

Agnès Blin est Chargée de Communication et auteure du blog Les brèves d’Agnès.

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