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Cerrone

Supernature

par Carole Charbonnier

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J’ai 4 ans quand mes parents divorcent. Avant qu’un mec lance son tube « Mon fils ma bataille » les pères pensent que les enfants ça vit chez leurs mères à qui on balance devant la pression d’une juge des affaires familiale hystérique, une pension alimentaire. Je vis donc avec ma mère, mon père me prend en WE quand il y pense.

Matin de Septembre 1977, j’ai 9 ans. Je passe la journée avec lui. Pour bien lui faire comprendre qu’elle s’en sort même sans la pension alimentaire qu’il veut pas lâcher, ma mère me sape clean ; queue de cheval, kilt et socquettes blanches.

On arrive chez son meilleur copain, le copain connard, baltringue, grande gueule qui collectionne les gonzesses et les dettes, comme mon père. Je le sais, à cette époque l’image du père,  les femmes en avaient rien à foutre. Si elles avaient envie de les traiter d’enculés devant les enfants, fallait pas la ramener et rester le nez dans son Benco.

Chez le meilleur copain c’est le bordel : cuisine dégeu, verres, bouteilles, fringues, disques éclatés partout par terre. Il vient me dire bonjour, m’embrasse. Il est torse nu, jean moulant. Il pue, comme son appart’.

Ils savent pas quoi faire de moi, savent pas quoi me dire, je les entends se marrer tous les deux, je m’emmerde, je m’assois dans le canapé. À côté de moi, cette pochette, Supernature, Cerrone, elle me fait flipper, je ne la comprends pas, une image d’hosto/labo/ clinique de malades mentaux dans un abattoir ? Un mec écorché vif, des chiens, des porcs qui rampent par terre en essayant d’attraper un cœur en plastoc… Celui de l’écorché ?  Et les 3 mecs masqués, ils ont peur de finir comme le mec sur la table.. ? ça me terrifie. Et le type au milieu, cheveux mi-longs, chemise ouverte, avec sa chaine pendante, qui te regarde comme un mâle dominant, habillé comme …mon père et son pote.

Je me demande quel genre de musique ça peut être…Et cette putain d’odeur dans cet appart’ c’est quoi ?

…Dix ans plus tard. Premier amour. Celui où on ne mange plus, celui qui ne connait pas la pudeur, ni la fatigue. Celui qui vous fait rester toute la journée au pieu, surtout quand il fait beau…Les corps chauds exhalent une alchimie unique d’effluves de sexe, unique, à deux personnes.

C’était donc ça cette odeur : en septembre 1977 dans cet appart’ ça puait le cul, et ça avait dû baiser toute la nuit en écoutant Cerrone.

Retrouvez la version Podcast de ce texte ici.

Carole Charbonnier est Directrice artistique, Photographe, Designer artistique.

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