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Vanessa Paradis

Variations sur le même t'aime

par Nicolas Vidal

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Au milieu des années 80, j’ai tout juste 10 ans, et règnent sur les charts français, deux princesses pop et teenager. Une blonde et une brune. Mais la plus piquante n’est pas la brune et je m’entiche de la blonde rebelle qui chantent les amours de Marilyn & John, de Maxou et de Jo le taxi.

Tout ceci ne serait pas très indé si Vanessa ne s’était pas retrouvée paria pop du jour au lendemain, et ses fans teenagers dans le même sac. Ce n’était pas cool d’aimer la Paradis, encore moins ses chansons, et un club plus ou moins informel s’était créé au collège où l’on parlait d’elle, de ses looks et de ses amours sulfureuses avec un vieux de 30 ans. Et puis Gainsbourg arriva sur son cheval blanc pour la ramener dans le royaume des branchés avec un album au titre étrange, “Variations sur le même t’aime”. Pour l’adolescent de 13 ans que j’étais, ce jeu de mots sur fond pop m’a immédiatement séduit. La pochette du disque montrait un très gros plan de Vanessa par Frédérique Veysset, les cheveux relevés, offrant un visage étrange, un regard perdu et flou dans une lumière baignée de soleil. C’était un choix étrange finalement cette photo. J’ai pensé que la pochette était laide, un peu bizarre pour l’ado conventionnel que j’étais, ne montrant pas ma Vanessa aux jeans troués, mais plutôt une femme en devenir, un visage mystérieux à scruter.

Car elle est là la force de Vanessa : avoir su dès l’adolescence marier le mystère aussi bien que les bémols et finir par charmer la France entière avec ce mélange de glamour et d’absence, de présence hypnotique et de choix singuliers. Il aurait été tellement facile de se faire vampiriser par un Gainsbarre habile mais sensible. Il n’en fut rien.

En revanche, le contenu du disque m’a immédiatement parlé. Le tube “Tandem”, “Amour jamais”, les sublimes “Flagrant délire” et “La vague à l’âme”, et mes deux titres préférés de la discographie de ma baby Pop, “Au charme non plus” et “L’amour en soi”, tube méconnu de la chanteuse que je reprendrais bien plus tard lorsque je décidais de tenter l’aventure pop moi aussi. On a beaucoup glosé sur le fait que les textes n’étaient pas dignes de Gainsbourg, que le travail avait été bâclé. Je m’excuse, mais non.

Il suffit de réécouter dans la voix si particulière de Vanessa la chanson “Au charme non plus” pour s’y résoudre : “Brillent par leur absence, mes larmes, tu ne m’auras plus. Rends-toi à l’évidence, au charme non plus”. Quelques jeux de mots bien sentis, une atmosphère musicale qui fait la part belle aux guitares saturées et aux basses synthés – plus tout à fait eighties, ni complètement nineties – et des mélodies imparables de Franck Langolff font de cet album un parfait véhicule pour Vanessa Paradis qui est devenue une star, une vraie, et qui peut se permettre de passer d’un blues râpeux en ouverture d’album à une reprise du sulfureux “Walk on the wild side” du maître Lou pour le clôturer. Sans parler des visuels qui accompagnèrent la sortie de l’album et du clip de la chanson “Tandem” par Mondino, chef d’œuvre en noir et blanc, probablement le meilleur des clips pop d’ici.

Tout d’un coup, aimer Vanessa Paradis, c’était cool. Et je devenais encore plus cool car au collège, tout le monde savait que je l’aimais avant. Avant les branchés. Avant “Noce Blanche”. Avant que tout le monde ne l’aime. J’étais devenu celui qui savait avant les autres. Celui qui avait les photos cool de Vanessa, Béatrice Dalle et Mickey Rourke dans son agenda. Il m’en est resté un attachement profond pour sa personnalité de chanteuse et les chansons de ses 3 premiers albums. Car ses chansons m’ont construit, influencé, accompagné. Sans elle, je n’aurais pas découvert aussi jeune le Velvet Underground, ni écouté en boucle “Time of the season” des Zombies ou appris par cœur “Sometimes it snows in April” de Prince et “Beast of burden” des Stones. Parce qu’internet n’existait pas et que les chanteurs du Top 50 étaient les passeurs et les passeuses d’une modernité pop qu’on ignorait.

Quand on grandit avec une artiste, il y a deux solutions : s’en détacher pour la laisser dans les recoins teenager de son existence, ou embrasser sa mue conjointement et évoluer avec elle. Vanessa est une chanteuse populaire qui n’a jamais oublié de se frotter à quelques marges pop : reprises bien senties, album psyché pop avec Lenny Kravitz, collaborations avec Brigitte Fontaine et les Littles Rabbits, reprise de Daho chez Nouvelle Vague… Il y a presque une seconde carrière indé plutôt méconnue chez la star qui est tout à fait passionnante à analyser. Et qui fait qu’elle reste à mes yeux l’icône d’une certaine sophistication musicale et d’une curiosité discrète, ni factice ni opportuniste. Dis-lui toi que je l’aime.

Nicolas Vidal est chanteur de pop, photographe et auteur. Il est également le créateur de Faces Zine, webzine pop en noir et blanc.

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