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David Bowie

Ziggy Stardust And The Spiders From Mars

Armelle Laborie

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Un petit espace brûlant sous un toit de tôle. Un vieux sofa, quelques outils de pêche, une minuscule table de jardin bancale, une bouteille de coca tiède, une platine et une pile de vinyls abandonnés là par un mystérieux cousin voyageur. C’est la cabane au fond du jardin de ses grands-parents dans laquelle ma copine Pauline m’a emmenée, en me disant qu’on pouvait y écouter de la musique aussi fort qu’on voulait.

On a 14 ans, 14 ans et demi.

Il fait chaud, on a passé l’après-midi à la grande plage. C’est les vacances d’été en Bretagne.

A peine entrée dans la petite pièce sombre, la pochette de l’album me saute aux yeux. Si belle et mystérieuse, un homme étrange dans une rue bizarre où la nuit tombe. On sort le 33 tours, on le pose sur la platine. J’observe le dos de la pochette, le même homme se tient debout derrière une porte vitrée, le torse nu. Vraiment troublant, il me regarde. On mange des BN. Pauline met la platine en marche, la musique envahit la petite cabane. David Bowie commence à chanter. Mes 14 ans s’enflamment.

Tout cet été-là, le disque est passé en boucle dans la petite cabane sans jamais nous lasser. La pochette restait appuyée contre le mur et l’homme étrange, avec son éternelle posture d’attente dans sa ruelle sombre, nous accueillait toutes les deux au retour de la plage. J’osais parfois jeter un coup d’œil au verso. On le trouvait beau, on se l’avouait en rougissant. On chantait avec lui des mots qui ne voulaient rien dire. On parlait de voyages et de Londres, la ville de la photo, où le cousin de Pauline était parti vivre. On parlait des garçons. On dansait un peu. On imaginait l’infini de nos vies d’adultes, toutes leurs possibilités, toutes leurs libertés, toutes leurs ambiguïtés et toutes leurs contradictions. Entre deux morceaux, on entendait les oiseaux chanter dans le jardin.

Et quand le disque se terminait, comme une évidence, on le réécoutait encore.

Et puis, au bal du 15 août, le bruit a couru que Pauline aurait embrassé Jérôme (le Jérôme dont j’étais amoureuse depuis les vacances de Pâques). On s’est disputées et je ne suis plus retournée dans sa cabane. Un moment, par vengeance, j’ai envisagé de lui voler le disque, mais j’ai renoncé, j’avais trop peur de son grand-père.

Bientôt la fin de l’été et la rentrée au lycée.

De retour à Paris. “Elle a grandi”, ont constaté mes parents.

C’était mon anniversaire dans quinze jours.

Comme cadeau, j’ai demandé Ziggy.

Armelle Laborie produit et distribue des films à Marseille où “l’on rencontre le monde entier”. Elle est également autrice, traductrice, re-lectrice, correctrice.

Retrouvez ici le récit dans sa version podcast.

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Gilles de Kerdrel