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David Bowie

Blackstar

par Sybille Buloup

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« I’ll be free just like that blue bird»

8 janvier 2016. Les seules traces de votre existence dans ma vie sont scindées en de petits morceaux glissés çà et là dans mon I Pod. Choisis par mégarde en plus! Trouvés par hasard dans l’ordinateur familial. Mon père vous aimait déjà beaucoup, c’est peut dire. Je me souviens encore de la toute première fois où je vous ai entendu, c’était Ashes To Ashes. Je suis tout de suite passée à la chanson suivante en me disant « mais c’est quoi ce truc ? ». Si vous saviez, si j’avais su à quel point cette musique et beaucoup d’autres sorties tout droit de votre crâne allaient bercer le reste de mon adolescence, et bien plus encore…

Mais je m’égare. Nous sommes le 8 janvier 2016, je rentre du lycée, comme à mon habitude. On est vendredi soir, mon père est déjà là. J’ouvre la porte. Immédiatement, quelques notes se faufilent au creux de mon oreille. Un rythme lent de batterie, un peu de saxophone et votre voix : « Look up here i’m in heaven » en effet, ça donne envie de planer. J’observe la grosse étoile noire de la pochette sur l’écran de l’ordinateur. Étrange ce design, très sobre, avec ses formes toutes simples et fragmentées en bas. Il aspire mon regard comme un trou noir absorbe un astre. Blackstar, à la fois l’un et l’autre, quelle ironie. J’essaie de ne pas trop penser à toi, de ne pas trop réfléchir. Je reste là un moment, mon père passe et m’explique qu’il s’agit de votre dernier album. Les morceaux s’enchainent, je n’y prête pas attention, trop occupée à penser à ne pas penser.

9 janvier 2016. On est samedi, je rentre d’un après-midi entre copines. Papa a l’air bizarre et maman n’est pas encore rentrée, elle est allée te voir d’urgence à l’hôpital. Je sais tout de suite que quelque chose ne va pas, que tu ne vas pas bien. S’ensuit une période d’attente qui me semble interminable. Mon frère arrive à son tour, on lui explique la situation et nous patientons tous les trois dans le salon. Enfin, la sonnerie du téléphone vient briser le silence. D’une main tremblotante je décroche l’appareil, seuls quelques sanglots me parviennent. Je me mets à pleurer moi aussi, putain je n’ai même pas eu le temps de te rendre les livres que tu m’avais prêté.

10 janvier 2016. Tous entassés dans la petite maison de ma grand-mère, on passe nos journées à tourner et virer le visage grave. Je n’irai pas à l’école la semaine prochaine, on préfère attendre un peu, que les choses « passent ». Comme si tu pouvais passer. J’allume la télévision et la regarde d’un oeil distrait. Votre visage est partout, sur toutes les chaines. Alors comme ça vous aussi vous n’êtes plus là ?

Un artiste si reconnu parti de manière grandiose, et un autre presque anonyme s’éteint dans le même temps, mais sans faire un bruit. Non, pas de grand titre de journaux, pas de banderoles d’information au journal télévisé, pas de posts larmoyants sur les réseaux sociaux. Juste cette absence qui prend de plus en plus de place et qui nous pousse à rester coller les uns aux autres. À croire que l’humain triste devient grégaire, en tout cas nous l’étions. Nous sommes restés encore quelques jours dans la petite maison que tu as voulu rouge aux volets verts.

Cinq années ont passé et mon admiration pour vous, David, n’a fait que croître. Celle que j’ai pour toi n’as jamais cessée. Récemment, j’ai découvert des manuscrits en fouillant dans ton bureau et sur un bout de papier froissé j’ai même trouvé mon prénom griffonné, les paroles d’une chanson. J’en ai eu les larmes aux yeux.

Sybille Buloup est étudiante en master d’audiovisuel et journalisme scientifique.

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