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At The Drive-In

Relationship of Command

par Adrien Durand

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L’année du bac, en attendant de quitter le lycée, j’imaginais ma future faculté d’histoire de l’Art comme un espace suspendu où je rencontrerais des gens ayant les mêmes préoccupations esthétiques que les miennes. Quelques mois après le bug avorté de l’an 2000, mon cerveau (extrêmement naïf), ne pouvait s’empêcher de peindre un croisement entre Le Cercle des poètes disparus et une sorte d’agora grecque peuplée de jeunes slackers. J’y ai repensé cet été en lisant Le maîtres des illusions de Donna Tartt qui met en scène une classe d’étudiants en grec ancien sur un campus gothique, frappé par les intempéries.

A l’automne 2000, je suis rentré à l’université, qui était en fait un assemblage de préfabriqués qui sentaient la clope froide, remplis de post-ados un peu perdus à la culture artistique proche du néant (33% Picasso, 33% Van Gogh, 33% Warhol). C’est à cette période étrange que j’ai découvert At The Drive In.

J’étais assez seul dans une nouvelle ville et je trouvais à la fac peu de gens avec qui parler musique (et paradoxalement) d’Art en général. Il y avait pourtant cette fille avec qui on s’échangeait quelques disques, parmi lesquels Relationship of Command. At The Drive In n’était pas un groupe comme les autres. Signés sur le label des Beastie Boys, Grand Royal, dont je guettais toutes les sorties, ils jouaient alors une sorte de punk hardcore baigné de soul et de psychédélisme. Les couleurs de la pochette, orange et jaune, représentaient bien cette impression de musique en feu.

Je me souviens que dans le livret du CD (que j’ai malheureusement perdu), le nom de chaque membre du groupe était accompagné du drapeau du pays dont il était originaire. Il y avait, dans la totalité du projet, un truc politique, urgent et une célébration de quelque chose de différent. Les silhouettes des musiciens (“skinny as fuck”), leurs jeux de scènes qui puaient la coke et le speed à plein nez, l’approche totalement free du guitariste Omar Rodriguez : tout ce qui entourait ce groupe semblait être une porte d’entrée dans un monde différent, intelligent et dangereux. Le XXIème siècle avec d’autres tarés fascinants du genre (Les Savy Fav, Icarus Line, The Blood Brothers, Yeah Yeah Yeahs, Le Tigre …) était plein de promesses. Celle d’échapper au quotidien en premier lieu.

Des années (décennies) plus tard, At The Drive In reste un des rares groupes de musique underground et abrasive capable de séduire les néophytes. A la manière de Converge pour le hardcore, le groupe texan et ses premiers albums ont réussi à ouvrir le punk rock moderne au plus grand nombre tout en défrichant de nouveaux territoires. At The Drive In est un cheval de Troie, comme celui qui orne la pochette de ce disque fabuleux. Qui reste toujours aussi inflammable 21 ans après.

Adrien Durand a été musicien, organisateur de concerts, attaché de presse et journaliste. Il a publié un essai critique sur Kanye West et deux recueils de chroniques “Je n’aime que la musique triste” et “Je suis un loser, baby (en finir ou pas avec les années 90)“. Il est le fondateur du projet d’édition Le Gospel.

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