Celui-là, il revient de loin. Au moins d’aussi loin que les fréquences de basse d’outre-sons de Jah Wobble, le bassiste du nouveau groupe de John Lindon, ex Johnny Rotten, ex Sex Pistols.

J’avais prêté ce disque à un copain du CES et promis, il me le rendrait lundi, après l’avoir copié sur une K7 pendant le week-end.

À l’époque, tout le monde parlait de Metal Box, mais je crois que pas grand monde ne l’écoutait. Peut-être le 1^er titre mais pas plus. Trop crispant ? À peine… Non, ce qui plaisait c’était la pochette qui ressemblait à tout sauf à une pochette de disque : une boite de bobine de film en fer blanc, frappée du logo PIL, P.I.L, 3 lettres au milieu renfermant 3 maxi 45 tours. Un film sans image, du pur John Lyndon.

Le lundi est arrivé sans le Métal Box, que je n’ai évidemment jamais pu récupérer malgré les menaces et les promesses de vengeance.

Et puis Facebook débarque dans nos vies…

Le copain en question m’y recontacte façon « comment ça va depuis toutes ces années, faut vraiment qu’on se revoie… ».

Mais bien sûr mec, quand tu veux…

Un plan Exfiltration-Metal-Box prend aussitôt forme dans mon cerveau: J’accepte d’aller à son anniversaire, de me taper 1h45 de train et de rester jusqu’au dimanche « pour une grosse fête et quelques surprises, tu verras ».

J’arrive là-bas sans savoir s’il a toujours le disque, mais j’évite prudemment de le lui demander. Je me fous de ce qu’il me raconte, élude ses questions idiotes du genre : « T’étais pas sorti avec Sandrine, toi ? », et fuis les deux crétins du bahut (Ah c’était ça la surprise…)…« Ils ne m’ont jamais lâché, eux ! », me reproche-t-il d’un clin d’œil signifiant qu’il ne m’en veut pas. Moi, si.

Tout en ne l’écoutant pas, je repère enfin les disques, là-bas sur une étagère un peu éloignée. Je m’approche, et en une nano seconde, je vise mon Metal Box, un peu terni par les années, le glisse sous ma veste puis dans mon sac, comme au bon vieux temps de la Fnac.

Plus tard dans la soirée, il me parle du disque, jure qu’il ne l’a plus depuis longtemps, je réponds « C’est pas grave, c’est vieux maintenant et de toute façon je l’ai racheté en CD. »

Encore un peu plus tard, mais pas trop non plus, je quitte discrètement les lieux, balance ma bière au pied d’un pauvre Yucca, et tout en marchant vers la gare (5 bornes, quand même), je le défacebooke depuis mon smartphone.

Je tiens ma vengeance, glacée. Au moins aussi glacée que le contact de mes mains sur la boite en fer blanc de Metal Box.

Gilles de Kerdrel est concepteur-rédacteur, auteur, et créateur d’Ecoutons Nos Pochettes.