PJ Harvey
To Bring You My Love
par Sandrine Caillis
Oh Polly Jean.
Fille rugueuse et sombre.
Sorcière.
Tu es si maigre, et si brune. Tu es nue. Tu es un pamphlet.
Une ode caillouteuse à une féminité-étendard non standardisée.
Tu vas ta route.
5 novembre 1995.
Je me suis saoulée de « To Bring You My Love ». Tellement que je peux rêver les paroles. Les volutes des cordes font des spirales à l’intérieur, les lamentations de la guitare et ta voix tracent un chemin ardu et altéré.
Fille aride. Dry.
On peut encore dire Bataclan sans penser à la mort.
On peut y être sans avoir peur. Sauf de toi peut-être.
Sorcière.
J’y suis.
C’est l’hiver et je suis allée à ta rencontre sans ticket en poche.
La nuit d’automne me griffe sur le trottoir.
J’y attends un sésame. Qui ne viendra pas.
Personne ne renoncerait à entrer là, même à n’importe quel prix. Ferveur.
C’est ta période rouge. Alors soudain, une lumière incandescente surgit jusque-là où je suis restée, à l’extérieure. Et puis comme une incantation, tu murmures « I was born in the desert… » et j’en pleurerais. De loin je te vois luire sur la scène.
Je me laisse arroser par les flots de toi, écrasés par les murs autour, je te bois.
Ophélie putassière, dérivant.
Doigt d’honneur aux bonnes manières.
Vaguement déglinguée sur tes tatanes à talons compensés, vacillante.
Trop.
Tu accompagnes mes ombres, si bien.
Tes mélodilancolies cognent et creusent.
Et me résonnent.
Sorcière.
« You looking for the sun, boy?
The sun doesn’t shine down here, no, no, no
White and black
You looking for the sun, boy?
The sun doesn’t shine down here, in the shadows » (plants and rags).
Sandrine Caillis est l’auteure de Les ombres que nous sommes