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Burzum

Filosofem

par Arthur-Louis Cingualte

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Le jour où j’ai découvert Filosofem de Burzum, j’ai découvert la fin de la musique (ou sinon une certaine idée de celle-ci).

J’ai découvert que cette arlésienne que tout amateur finit par chercher jusque dans l’inaudible bourbier expérimental, pouvait se concevoir autrement que désaffectée de toute exaltation d’un sentiment de pure révération esthétique.

On devrait préférer l’adjectif « final » à « extrême » pour parler de Filosofem en tête. Il se passe quelque chose qui dépasse le grand vortex shoegazo-spectorien de violence et de saturation qui le caractérise.

Dunkelheit, le premier titre est suffisamment édifiant : la fin de la musique de n’est pas quelque chose qui peut se conceptualiser ; la fin de la musique ne signifie pas son absence ; la fin de la musique est musicale. Elle peut très bien échapper à toute formule et tout effort de rationalisation, se foutre de géométrie et d’organologie. Tous les techniciens « modernistes » qui l’ont confisqué pour la théoriser ne l’ont en fait jamais vraiment touchée.

« Là-haut sur les collines retenti le clairon ».

Le dessin de Theodor Kittelsen en pochette, tout ce folklore scandinave hissé aux cimes de la simplicité Epinal dans une sorte de sépia naturel indiquerait plutôt le retour d’une rumeur fantôme rurale et ancestrale, un départ, une source parfaitement située à l’opposé de toute idée de fin.

L’injonction artistique consistant à surfer sur des modes en formes de vagues successives et (surtout) progressives, qui aurait l’idée de remonter à pied un cours d’eau dans le sens d’une réaction primitive ?

De la mélodie médiévale reconditionnée à la resucée New Age en couleur locale synthétique, les oreilles qui ne s’y connaissent pas anticipent le pire alors qu’on est tout à l’expression – mi Öm du grand Nord, mi mantra primordial des fjords, du Timor Panicus. Ce son qui fige de terreur la nature et les hommes quand s’activent les révolutions cosmiques.

Il y a quelque chose de lovecraftien dans Filosofem. Le clairon y sonne pour lever une légion de l’abîme.

On ne peut pas prendre ses distances avec la fin de la musique. C’est une force d’enveloppement qui ne se disperse plus horizontalement mais verticalement. Il faut s’en draper. Elle est affaire d’implication et d’abandon ; et d’abandon plus cultuel que culturel.

En découvrant Filosofem de Burzum, j’ai découvert qu’il n’y a que les primitifs qui sont modernes.

Arthur-Louis Cingualte est l’auteur de L’Évangile Selon Nick Cave-Le Gospel de l’Âge du Fer Rouillé (éditions de l’Èclisse). Il est également membre de la rédaction de la revue La Septième Obsession.

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