Mark Lanegan

The Winding Sheet

par Louis Teyssedou

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C’est une pochette qui dit tout, tout en voulant se taire. Et quand on écoute ce disque, on se dit que le résultat aurait dû être tout autre.

Mark Lanegan a enregistré The Winding Sheet avec Kurt Cobain, Krist Novoselic et Mike Johnson en quelques jours. Le disque suit la même philosophie que sa pochette : tout est là pour faire un grand disque mais tout a été fait pour ne pas le faire. 

The Winding Sheet est le premier disque solo de Mark Lanegan et surtout son premier disque chez Sub Pop. En 1989, le label de Seattle ne s’est toujours pas remis d’avoir loupé les Screaming Trees qui ont signé chez SST Records. Originaires d’Ellensburg, les Trees ont, en 1989, déjà enregistré 4 disques et le succès commence à pointer le bout de son nez. En 1989, Nirvana n’a encore rien vendu, Soundgarden hurle toujours autant… En 1989, les Screaming Trees sont potentiellement the next big thing.

En 1990, Mark Lanegan s’est récemment installé à Seattle et vit en colocation avec Kurt Cobain et Dylan Carlson. Les membres de son groupe se sont mis d’accord pour se lancer chacun en solo. Sub Pop ne loupe donc pas le coche cette fois-ci et signe illico Lanegan. Les chansons de ce disque sont écrites dans cette sombre maison de Seattle où Cobain a déjà les titres de Nevermind dans la tête et où Carlson pense à Earth 2: Special Low Frequency Version.

La pochette est une photographie signée Charles Peterson, le photographe officiel de Sub Pop. Les lettres ont été collées par Jane Higgins.
Lanegan n’aime pas les photos et elles lui rendent bien. L’image de Lanegan ne se laisse pas facilement attraper. Peterson aura beau tout faire… Il y a donc cette photographie avec ce filtre rouge où on sent toute la colère du bonhomme. Et comme un goût d’inachevé….

Le premier disque pose les bases de son successeur, Whiskey for the Holy Ghost. Une pochette plus aboutie, un disque inspiré par Astral Weeks de Van Morrison et trois ans d’enregistrement infernaux.
Mais on reste toujours subjugué par la pochette de Winding Sheet et ses titres emblématiques. Lanegan est à nu, mis en scène par Jack Endino. On peut lui faire des reproches. On peut aussi écouter jusqu’au bout de la nuit Mockingbirds. Diablement bien accompagné, Mark Lanegan peut enfin donner libre cours à son amour du Gun Club et partir sur les traces de Jeffrey Lee Pierce
Reste cette pochette, intrigante et sûrement peu vendeuse. 

Intrigante, la musique de Lanegan était avant tout silencieuse dans les années 90. Avoir une quinzaine d’années en province à cette époque n’était pas propice à une rencontre.

Lanegan se lisait via des chroniques… Mais on ne l’écoutait pas. On va entendre véritablement avec les Queens Of The Stone Age au milieu des années 2000 mais c’est une autre histoire.

Écouter donc The Winding Sheet et tenir entre ses mains la pochette, c’est remonter le fil du temps d’un parcours musical cabossé par les addictions et l’apport essentiel de Mike Johnson.

Acheter ce disque est une petite victoire sur le temps. Certains ont remonté le Nil pour trouver sa source, moi je me suis contenté de donner une quinzaine d’euros à mon disquaire.

 

Louis Teyssedou est enseignant de Lettres-Histoires à la ville et chroniqueur derrière son écran (soul-kitchen).

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